
Pour les troubles de la personnalité, un changement de paradigme se dessine dans le système de classification par l’introduction de deux modules dimensionnels pour la saisie de la gravité et du type de problématique du comportement. Pour autant, ce n’est pas le seul. Michael Kaess demande en outre une orientation vers un diagnostic et une intervention précoces en vue de minimiser les séquelles tardives et les risques à long terme. Il en parle dans son exposé au Congrès-PSY.
Par volonté de protéger les adolescents, les troubles de la personnalité, par exemple le trouble borderline, ont longtemps été diagnostiqués avec beaucoup de retenue. Le diagnostic d’un tel trouble était, et est jusqu’à aujourd’hui, très stigmatisant. De plus, l’idée d’un traitement efficace n’existait pas. Nous savions certes que la maladie débutait durant la puberté, mais ne la soignions qu’à l’âge adulte. Par ailleurs, on se basait autrefois sur le postulat erroné que les troubles de la personnalité étaient à la fois stables et impossible à traiter, ce que de nombreuses études ont réfuté depuis. Nous savons aujourd’hui que les troubles de la personnalité peuvent être modifiés. Des données provenant des États-Unis ont par exemple établi que chez 80% des personnes concernées le trouble borderline disparaissait dans les 10 ans. De nombreuses études d’intervention démontrent que la psychothérapie permet de bien traiter les troubles de la personnalité. Le terrain a ainsi été préparé pour le diagnostic et le traitement précoces.
Nous savons aujourd’hui que la plupart des troubles de la personnalité, et le trouble borderline ne fait pas exception, débutent durant la puberté. Plus nous tardons à traiter ces troubles, plus le risque de séquelles tardives et de chronicisation augmente. Lorsque les patients sont traités à l’âge adulte seulement, le trouble de la personnalité s’améliore certes généralement, mais les effets secondaires, comme les déficiences psychosociales ou une faible qualité de vie, persistent. Nous attendons ici des améliorations notables grâce à l’intervention précoce. Mon exposé présentera également des données prometteuses à ce sujet.
L’apparition de troubles de la personnalité est notoirement à attribuer au modèle bio-psycho-social. Toutefois, les expériences négatives durant l’enfance, comme l’abus et la négligence, jouent un rôle déterminant dans le développement de tels troubles. À Heidelberg, nous avons par exemple fait des recherches sur la « thèse de l’attachement » par le biais d’une cohorte des naissances. Nous avons étudié la capacité d’attachement des mères durant les deux semaines suivant la naissance des nourrissons. Nous avons maintenant réexaminé ces enfants durant leur quinzième année. Les résultats établissent des corrélations nettes entre la capacité d’attachement de la mère et le développement de troubles de la personnalité – en particulier parmi les enfants présentant des traits de personnalité spécifiques.
Concernant la tendance de l’intervention précoce, nous recourons aujourd’hui lors du traitement à toutes les formes de thérapie spécifiques au trouble que nous avons entre temps adaptées au groupe d’âge de l’intervention précoce. Nous misons en outre de plus en plus sur les interventions brèves. En effet, le principe « mieux vaut trop que pas assez » n’est pas forcément utile à la psychothérapie de ces troubles. À cela s’ajoute que nous préférons proposer des thérapies brèves à un grand nombre de personnes concernées, plutôt que quelques thérapies de longue durée à peu d’individus.
Mon objectif est d’amener les auditrices et les auditeurs à réfléchir – en particulier au sujet de la pratique encore courante en Suisse de diagnostiquer et de traiter sur le tard seulement les troubles de la personnalité. Je souhaite ici contribuer à faire progresser le changement de paradigme concernant le moment du traitement – notamment sous l’angle des bénéfices notables pour les patients.
Le Prof. Dr méd Michael Kaess est professeur ordinaire en psychiatrie et psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent à l’université de Berne. Il est également directeur de la clinique universitaire de psychiatrie et de psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent aux SPU à Berne. Le médecin spécialisé en psychiatrie et psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent s’est formé à l’Universitätsklinikum Heidelberg et au Orygen Youth Health à Melbourne. Ses recherches se concentrent sur les troubles de la régulation du stress et de l’émotion dans le contexte du développement humain.